Vers une politique commune d’immigration

D’après Amnesty International, 2014 fut la pire année pour les réfugiés depuis 1945. Plus de 50 millions de personnes ont fui leur domicile en raison de l’augmentation des conflits armés. Dans son rapport annuel, l’ONG dénonce le manque de réaction de la communauté internationale sur cette urgence humanitaire.

L’UE a manqué à ses obligations

L’Union européenne notamment a manqué à ses obligations. Parmi les 4 millions de Syriens qui affirment avoir fui leur pays depuis le début de sa guerre sanglante, l’UE n’en a accueilli qu’une poignée (à peine 4 %), tandis que 95 % d’entre eux ont trouvé refuge dans les pays voisins. Cette hostilité envers les réfugiés a également entraîné une forte augmentation de l’immigration illégale (274 000 migrants illégaux en 2014 pour seulement 100 000 en 2013). La mer Méditerranée est de loin la route la plus meurtrière et a couté la vie à 3 400 migrants en 2014.

De plus, le fardeau de l’accueil des réfugiés est loin d’être partagé équitablement entre les Etats membres de l’UE. La Suède représente plus de 20 % des demandes d’asile accordés en 2013 (26 000), alors que le pays ne représente que 2 % de la population de l’Union. Cette même année, l’asile a été accordé automatiquement par le pays à tous les réfugiés syriens qui rejoignaient la Suède. L’Allemagne est également bonne élève et s’est engagée à accueillir 20 000 demandeurs d’asile pour les années 2014 et 2015. A l’inverse, certains pays sont réticents, comme le Danemark, dont la politique d’immigration a considérablement été durcie ces dernières années. La France est également critiquée par Amnesty International pour avoir accueilli seulement 2 500 réfugiés syriens en 2014.

Une politique commune doit être menée

Lors d’une visite à Stockholm en février dernier, Antonio Guterres, le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a souligné les faiblesses de la politique de l’UE en matière d’immigration, et a appelé à une répartition plus équitable des réfugiés entre les pays membres, qui pourrait prendre la forme de quotas. L’UE, en tant que continent de 500 millions d’habitants et l’une des régions les plus riches de la planète, a les moyens de prendre en charge un plus grand nombre de réfugiés qu’elle ne le fait actuellement. Par ailleurs, l’Europe a besoin de l’immigration pour équilibre sa démographie vacillante. Pour la majorité des experts en migration, l’UE peut gérer l’augmentation de l’immigration illégale si elle adopte des politiques adéquates. Mais cela ne peut être réalisé que par ses États membres, et une politique commune doit être menée.

Les États membres conservent encore la plupart de leurs pouvoirs en matière d’immigration, et les règles d’admission sont très différentes à travers le continent. Une politique commune est nécessaire afin de fixer un objectif commun ambitieux de migrants admis pour chaque année et de s’assurer que les pays contribuent sur une base égale. L’UE doit également essayer de faire cesser la catastrophe humanitaire qui se déroule en mer Méditerranée. Certains États comme l’Italie ou la Grèce, passerelles vers l’Europe, doivent être aidés dans la sécurisation de leurs frontières et leurs patrouilles en mer. Il est injuste de les laisser porter le fardeau et les coûts de ces missions, puisqu’ils ne sont pas les pays de destination finale recherchés par les migrants. Les tentatives précédentes, comme l’opération Mare Nostrum, ont échoué dans ce domaine.

Vers une répartition plus équitable des migrants entre les pays

La Commission européenne a commencé à se pencher sur une politique commune de l’immigration. Elle a révélé il y a quelques jours un plan dans lequel les représentations et ambassades situés dans un « pays d’origine » tiers de l’UE traiteraient les demandes d’asile et de statut des réfugiés avant que les migrants atteignent l’Europe. L’objectif serait de réduire le nombre de migrants arrivant illégalement sur les côtes de l’UE. Fortement soutenue par l’Italie, la France ou l’Allemagne, cette idée est farouchement combattue par des pays comme Royaume-Uni ou la Hongrie, qui la considèrent comme un facteur d’attraction pour l’immigration clandestine. La Commission a également exprimé son vœu de s’orienter vers une répartition plus équitable des migrants entre les pays.

Ce débat est probablement l’un des plus importants et l’un des plus délicats du mandat de la Commission Juncker. L’immigration touche au cœur de la souveraineté des États membres et est un enjeu électoral très sensible. Convaincre certains pays d’accueillir plus de migrants, alors que nous nous trouvons au milieu d’un bourbier économique et d’une montée du populisme de l’extrême-droite, ne sera pas une tâche facile. L’UE devra prouver toute sa vocation de constructeur de consensus. Mais au-delà des considérations pratiques, il y a davantage en jeu avec la démonstration que la voix de l’Europe ne peut pas être réduite à la position anti-immigration utilisée par certains de ses politiciens pour satisfaire les électeurs mécontents.

Vincent Delhomme (@VincentDelhomme)

Photo: Noborder Network

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